Et hop, les masques apparaissent ... en grande surface !
Lettre ouverte du 7 mai 2020
Lettre ouverte rédigée par Julien Bunckens, directeur général de la Fédération de l'Aide & des Soins à domicile
Depuis la mi-mars, une triste ritournelle occupe nos esprits : “Où sont les masques ?”
Les professionnels du domicile, négligés de la crise n’ont eu de cesse de reprendre ce même refrain lancinant. Refrains connus par de nombreux autres « oubliés » comme les médias les ont tristement nommés… Menant à un triste concert, applaudi quotidiennement par bon nombre de citoyens !
Heureusement, très rapidement et dans un bel élan, la créativité et la solidarité se sont mises au service de la débrouille ! À cette triste chanson, ont répondu le rugissement des machines à coudre, le cisaillement des ciseaux dans le tissu, le claquement des élastiques, le bourdonnement des imprimantes 3D de visières…
Mais à cette cacophonie qui s’étoffait chaque semaine un peu plus, s’est ajouté le grondement du « marché » : traders, revendeurs de kits Covid-19, arnaqueurs… À laquelle, le mirage d’une régulation via une plateforme fédérale n’a pu survivre*.
Et nous voilà, nous, professionnels du domicile, vulnérables, confrontés aux tristes lois du marché. Les loups étaient entrés dans la bergerie !
Stupéfaction le week-end dernier. Alors que nos cris et revendications n’ont reçu aucune réponse du Gouvernement fédéral, celui-ci retrouve la parole pour annoncer, de concert avec COMEOS, la fédération belge du commerce et des services, l’arrivée massive de masques chirurgicaux dans les grandes surfaces !
Une information a priori réjouissante pour la population, mais surtout étonnante. Elle soulève bien des interrogations chez les acteurs de terrain, les « oubliés » qui ont pris des risques majeurs et qui s’interrogent toujours : « Où sont les masques ? »
Nous, Fédération de l’Aide & des Soins à Domicile clamons encore avec plus de fureur : « Où sont les masques pour tous nos professionnels du domicile ? »
Nous sommes convaincus, qu’alors que nous étions sur le front des approvisionnements en matériel de protection et au domicile des plus isolés, des « groupes les plus à risques…, les professionnels de l’achat étalaient leur toute puissance. Une position dominante qui n’a pas été mise au service de l’humain mais à celui du consommateur et de la consommation aveugle.
Biens d’utilité publique, les masques si précieux et largement recherchés, en importante quantité et à prix très variables, deviennent des biens de consommation privatisés !
Car aujourd’hui encore, nous dénonçons encore un approvisionnement problématique et onéreux en matériel de protection pour les professionnels des premières lignes et des suivantes. Nos demandes adressées à l’autorité fédérale pour obtenir du matériel restent sans réponse et rien n’est prévu pour compenser les achats effectués par les secteurs concernés pour équiper leurs personnels quotidiennement au front.
Nous devons donc, à regret, ajouter des couplets à notre refrain :
Comment la grande distribution a-t-elle pu acquérir ces masques alors que les acheteurs du domicile, de l’accueil, de l’accompagnement, de l’aide et des soins de santé éprouvent encore des difficultés à trouver du matériel à des prix acceptables.
Les principaux acteurs commerciaux auraient-ils asséché le marché, fait des stocks au détriment des secteurs en ayant un besoin vital ?
Nous réclamons une totale transparence sur l’origine de ces stocks, le calendrier des commandes…
La grande distribution serait-elle prête à se montrer solidaire en soutenant les achats importants faits par les secteurs en souffrance ? En répondant à nos questions ? En acceptant de laisser la priorité à nos commandes ? En offrant le bénéfice de ses ventes aux achats destinés aux premières lignes et au suivantes ? En mettant ses compétences d’acheteurs au service de nos achats ?
Nous nous inquiétons du manque de légitimé des supermarchés pour vendre des masques buccaux.
Le personnel est-il formé et dispose-t-il du temps nécessaire pour donner aux clients les conseils nécessaires pour une bonne utilisation ?
De notre côté, nous serons attentifs et dans l’accompagnement des personnes dont nous partageons le quotidien mais qui guidera les autres citoyens ? Tout le monde n’a pas accès aux « tutos » en ligne. Aucune technologie ne peut répondre à l’ensemble des inquiétudes générées par la situation.
Pourquoi les autorités ne s’alignent-elles pas sur leurs propres recommandations qui préconisent l’usage des masques en tissu par l’ensemble de la population ?
Recommandations qui ont amené les merceries à rouvrir aux premières heures du déconfinement ?
Que la grande distribution ne nous fasse pas oublier les élans de solidarité, de créativité et de volonté de déploiement de productions locales...
Autant de réflexions et d’interrogations qui ravivent notre déception et notre incompréhension face au manque de considération du Gouvernement fédéral pour les professionnels de la première ligne.
Nous demandons à l’autorité fédérale des réponses concrètes et rapides concernant l’approvisionnement en matériel de protection des professionnels du domicile, nous invitons COMEOS et ses affiliés au dialogue, à la transparence et à la solidarité.
ENSEMBLE, ne laissons pas les intérêts financiers prendre le dessus et sortons nos professionnels de la tourmente !